:: Jour 12
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Notre première visite de la journée me donne l'occasion de sortir une blague nulle. Au nord du village de Kirkjubæjarklaustur se trouve un lieu baptisé Kirkjugólf. S'agit t-il du terrain de golf de ce petit village, puisque nous avons pu constaté que les terrains verts à 9 ou 18 trous sont nombreux sur l'île ? Y a t-il aussi à Kirkjubæjarklaustur une Kirkjuboite-de-nuit, ou encore un Kirkjubowling ? Aucun rapport avec le sport du golf donc, si ce n'est que Kirkjugólf se situe dans un écran de verdure. On y accède par 350 mètre de marche sur un chemin au bord de la route de Geirland. Il s'agit en réalité d'un ensemble de pavés de forme hexagonale, qui pourrait très bien être le fruit d'un travail humain et le vestige d'une ancienne construction, mais qui ne résulte que de l'action du temps et de la nature. La forme des hexagones est celle que l'on retrouve habituellement en observant les section des colonnes de basalte. Le lissage en surface est due à l'action des glaciers au fil des siècles. Le résultat est d'une géométrie fascinante.
Nous retournons ensuite aux chutes de Systrafoss, aperçues rapidement la veille en fin de journée. Un sentier, indiqué de manière très originale au moyen d'un cintre accroché à une souche de bois, s'élève sur le côté de la cascade et chemine dans une petite forêt de résineux. En prenant un peu d'altitude, on découvre les pseudocratères de Landbrotshólar, dont les contours veloutés s'élèvent au milieu du champ de lave d'Eldhraun à l'ouest du village, de l'autre côté de la rivière Skafta. Quelques minutes de marche permettent d'accéder au plateau balayé par le vent du lac Systravatn, qui donne naissance aux chutes. D'en haut, le point de vue sur la cascade de Systrafoss, qui évoque un tobogan aquatique de parc d'attraction, est magnifique, mais aussi un peu dangereux.
Après ce bol d'air pur matinal, nous reprenons la route vers l'ouest. A la sortie du village se dresse un grand rocher, nommé Systrastapi, ce qui signie "rocher des soeurs". Il doit son nom à la légende qui raconte que deux religieuses auraient été brûlées vives à cet endroit.
A 6 km du centre de Kirkjubæjarklaustur, la piste 206 quitte la route circulaire en direction du nord. C'est la voie qui mène au Lakagígar, un ensemble de cratère situé assez loin à l'intérieur des terres. L'irruption de 1783, qui dura près d'un an, fut terrible et dévastatrice, causant la disparition de 20% de la population islandaise, soit 9000 morts. Les victimes périrent bloquées par les coulées de lave, mais aussi à cause des épidémies et de la famine qui résultèrent de la perte des troupeaux à cause des émissions de cendres et de nuages toxiques. Le volcan n'est plus actif de nos jours, mais les cratère, constituant une chaîne de 25 km, continuent à fumer. Les guides décrivent la présence d'une oasis de verdure au milieu du champ de lave noir.
Si les premiers kilomètres de piste, bordés de quelques fermes, sont aisés, la suite est réservée au 4x4. En raison du temps nécessaire (3h 1/2 rien que pour l'aller), la visite des cratères de Lakagígar ne figurait pas au programme, mais nous avions l'intention de nous rendre au moins jusqu'à la cascade de Fagrifoss, à 17 km de piste depuis la route 1. Malheureusement, nous sommes obligés de nous arrêter après 11 km seulement, au premier gué. Celui n'est même pas indiqué sur les cartes GPS, ce qui signifie que les suivants, qui sont quant à eux signalés, doivent être pires. Arrivée au bord de la rivière, la piste subit une cassure nette d'une hauteur 20 à 30 cm. Alors que je me tiens au bord de l'eau pour juger de la difficulté du passage, le rebord de terre et de cailloux s'effondre sous mes pieds. Il s'en faut vraiment de peu pour que je ne finisse pas dans le courant avec de l'eau jusqu'aux genoux. Si la descente du 4x4 dans le lit de la rivière est réalisable en s'y prenant bien, la remontée de l'autre côté risque d'être difficile, voire impossible dans ces conditions. Même le 4x4 qui nous précédait, bien plus gros, a fait demi-tour juste avant nous. Nous sommes contraints de repartir en arrière, sous la pluie, mais nous nous y attendions un peu (beaucoup) : la piste est décrite comme difficile, surtout en septembre.
Au sud-est du glacier Mýrdalsjökull, la route 1 traverse l'étendue déserte de Mýrdalssandur, de sable et de lave. Entre la route et la mer, posé sur une vaste plage de sable noir, se dresse un énorme monolithe du nom de Hjörleifshöfði. Une piste fait le tour, jusqu'à la plage, de ce gros bloc de 2,4 mk de long, 1,5 km de large et 220m de haut. Aux pieds de ce grand monolithe couvert de verdure, la plage noire de Mýrdalssandur, déserte,s'étend sur près de 2,5 km vers le sud. Ici et là se dresse d'étranges formations rocheuses.
Tout petits face à cette énorme bloc, on n'a qu'une seule envie : grimper au sommet. Sur le versant ouest, l'ascension semble aisée, puisque la pente est douce et qu'il semble y avoir quelques sentiers. En revanche, du côté sud, où nous nous tenons, le monolithe présente une paroi haute verticale. Pourtant, peu après la cabane rouge solitaire qui doit servir de poste de secours, il me semble deviner les ttaces d'un passage au milieu de la falaise. J'escalade la pente herbeuse, glissante, et découvre, effectivement, un passage taillé dans le roc, puis un mystérieux panneau : un écriteau de bois, gravé du mot "Lásastigur"... Aucune information sur Google. En dessous, des indications en plusieurs langues avertissent du danger et de la difficulté de ce chemin méconnu. Le sentier est déconseillé aux enfants et aux personne sujettes au vertige. Cet avertissement n'est pas à prendre à la légère car ce chemin, un peu secret, est VRAIMENT dangereux. Sitôt passé le panneau, il sauter d'une petite corniche au dessus du vide, puis grimper au moyen de quelques marche en s'aidant d'une corde. On parvient ainsi à une grotte, puis le chemin continue, toujours aussi délicat, avec une pente quasi verticale couverte d'herbes rendues glissantes par la pluie. C'est un royaume sur lequel les fulmars et autres oiseaux marins règnent sans partage. Ceux-ci nous gratifient de quelques acrobaties, puis restent en vol stationnaire, porté par le vent fort, avant de piquer dans le vide en nous frôlant. En bas : d'impitoyable falaises. Il vaut mieux ne pas regarder en bas et être sûr de l'endroit où l'on pose le pied.
Mais une fois arrivé en haut, quel spectacle! Une vue magnifique et un ciel dégagé récompense ces quelques minutes de stress et de grimpe. En contrebas, notre 4x4, tout petit, ressemble à un jouet perdu dans l'immensité de la plage de sable noir de Mýrdalssandur, qui s'étend à perte de vue.
Mais si le plus dur est fait, nous n'avons aps fini l'ascension pour autant. Nous nous retrouvons sur un agréable plateau herbeux, sur lequel gisent de vieilles ruines, soumises à des vents qui ne doivent jamais faiblir. Je ne sais pas si c'est du à la présence de ces vieilles pierres, à la texture velouté du relief, ou au dessins que laissent les traces de passage au milieu des herbes folles, mais le lieu me fait penser, bizarrement, aux photos qui représentent des sites tels que Machu Picchu.
En continuant plus haut, la vue porte jusqu'au falaises de Vík et Dyrhólaey, à une quinzaine de kilomètres à l'ouest. Le vent souffle fort, le ciel est d'un bleu profond comme nous n'en avions pas vu depuis un moment.
Enfin, au sommet, se dresse une structure de pierres, bien conservée, autour de laquelle sont disposées plusieurs tombes. La première, la plus importante, est un grand tertre de pierres, Hjörleifshaugur, qui abrite le corps de Hjörleifur, second viking de la colonisation installé en Islande. D'après l'histoire consignée dans le Landnámabók (le "Livre de la Colonisation") , Hjörleifur Hróðmarsson et son ami Ingólfur Arnarson, le premier colon islandais d'origine scandinave, auraient quitté la Norvège après une querelle avec un jarl, et se seraient définitivement installé en Islande après un premier séjour sur l'île en l'an 874. Ingólfur s'établit près du site de Reykjavík, tandis que Hjörleifur choisit de s'établir dans la région de l'actuelle Vík. L'histoire rapporte de Hjörleifur fût tué par ses esclaves aux environs de l'an 875. Et depuis, son nom est associé au monolithe de Hjörleifshöfði.
Sur les autres tombes, des plaques à même le sol, figurent les noms de Sigurður Loptsson (1838 - 1919), Aslaug Skæringsdottir (1884 - 1939), et Markús Loptsson (1828 - 1906, aurait apparement écrit à propos du volcanisme en Islande...).
A l'abris d'une petite niche de bois, dans une boite le protégeant des intempéries et du vent, se trouve un livre d'or, un guest book. Bien évidemment, c'est un guest book de viking. Le couverture en cuir du petit livre représente un ancien guerrier islandais. Pas besoin d'avoir un stylo sur soi, car tout a été prévu : la boite renferme tout ce qu'il faut pour laisser un petit message suite à son passage à Hjörleifshöfði. Sans être un lieu très connu, car non décrit dans le Guide du Routard ou le Guide Gallimard par exemple, l'endroit est assez fréquenté, comme en témoignent les messages écrits. Il y a peu de chance de croiser quelqu'un au sommet, mais des gens entreprennent l'ascension du monolithe régulièrement, pas tous les jours, mais presque. Cependant, la majorité des visiteurs ne doivent pas emprunter le sentier le plus difficile, mais plutôt grimper par la face ouest du monolithe. Pour les aventuriers, le tracé GPS situe exactement le passage "Lásastigur" que nous avons découvert.
Malheureusement, même les meilleures chose ont une fin. Cela vaut pour notre balade comme pour le beau temps. Les nuages refont leur apparition au moment où nous quittons le tertre du viking pour redescendre vers le 4x4. Si la montée était difficile, le retour ne l'est pas moins : le plus délicat est de retrouver, du haut des falaises, l'endroit par lequel nous sommes montés, ce qui n'est pas évident à cause de la verticalité des parois. Heureusement, le GPS est précis.
De retour à hauteur de la grotte, nous passons encore quelques instants en compagnie des as de la voltige dans l'espoird e réussir à prendre une photo d'un fulmar de près. La tâche n'est pas aisée même si les oiseaux
exécutent leurs figures non loin de nos têtes. La seule photo nette et à peu près cadrée que je parviens à prendre représente malheureusement l'oiseau à contre-jour.
Nous découvrons Vík, ou plus précisément Vík i Mýrdal, à une douzaine de kilomètre à l'ouest de Hjörleifshöfði. Le petit village de 400 habitants est dominé par une église, typiquement islandaise, située sur une colline en hauteur. Encore une fois, c'est au snack de la station N1 que nous trouvons de quoi manger. Nous emportons sandwich et boissons dans l'optique d'un petit pique-nique en haut des falaises situées à l'ouest du village.
La piste, nommée Hús Í Niðurníðslu, est exclusivement réservée aux 4x4, et l'on comprend aisément pourquoi dès les premiers mètres. La pente est rude, et le petit Jimmy dérape sur les cailloux de la piste. Mais le chemin offre une belle vue sur l'ensemble du village en contrebas, jusqu'au monolithe de Hjörleifshöfði à l'est, au sommet duquel nous nous tenions quelques minutes auparavant. Sur le plateau qui surplombe les falaises, la piste est pleine de trous, qui rendent le passage impossible pour une voiture.
Au sommet se dresse les ruines d'une habitation délabrée. En contrebas, les colonnes rocheuses de Reynisdrangar émergent des flots déchaînés. Il s'agit, encore une fois, de trolls légendaires figés par l'éclat su soleil, vous vous en doutiez. A l'ouest se trouve les falaises
de Dyrhólaey, au bout de la plage de sable noir de Reynishverfi. A cette période de l'année, l'endroit est désert. Par rapport à l'été, il manque les touristes... et les macareux! Les étranges osieaux, mascottes de l'Islande, ont déjà deserté les falaises où ils nichent à la belle saison. Il ne reste plus que les fulmars pour nous tenir compagnie pendant que nous dégustons notre repas.
Nous les quittons après une bonne heure passée avec eux dans le vent, en haut des falaises, et descendons faire quelques pas sur le sable noir de la plage de Reynishverfi, aux pieds des falaises. De là, on se rend compte que les falaises en haut desquelles nous nous tenions quelques minutes plus tôt présentent en fait la structure habituelle de colonnes basaltiques.
En partant , nous choisissons de ne pas nous arrêter à Dyrhólaey, le cap le plus méridional de l'île : les macareux, principal attrait des falaises, sont absents, et la pluie commence à tomber plus fort. Après tout, tant pis, nous avons eu notre dose de falaises aujourd'hui.
A une trentaine de kilomètres à l'ouest, une autre langue glaciaire, nommée Sólheimajökull, est visible non loin de la route, et accessible par la piste 221, même en voiture. Cette fois-ci, il s'agit d'une extension du Mýrdalsjökull, beaucoup plus petit que le Vatnajökull. La vue du glacier se jettant dans les eaux du lac est particulièrement belle depuis le sentier qui s'élève en hauteur vers le mont Jökulhaus. Manque de chance, la pluie nous rattrappe une fois de plus, écourtant la balade et voilant les photos. Mais nous estimons quand même heureux, puisque la région de Vík est l'une des plus pluvieuses d'Islande, et que le temps est loin d'être aussi catastrophique que la veille aux environs du Jökulsárlón.
La journée se termine avec la visite de la chute de Skógafoss, puissant rideau d'eau aisément reconnaissable car très souvent photographié, et qui plus est toujours avec le même angle. Le site en lui même, très facilement accessible, ne présente rien de bien particulier. Ce qui fait le charme de cette cascade, haute de 60m, c'est qu'elle est tout simplement verticale, et qu'on l'aborde de face et d'en bas, sur une plage de sable et de cailloux noirs. De cette manière, un cadrage serré sort la chute du contexte environnant et donne l'impression d'une formidable trombe d'eau qui s'abat sur les petits visiteurs humains. Bizarrement, peut être du fait du mauvais temps et de la lumière déclinante, c'est une cascade qui ressort mieux en noir et blanc.
Un chemin aménagé permet de prendre un peu de hauteur sur le côté de la cascade. Mais par temps de pluie, la
boue rend le terrain extrèmement glissant, et l'approche du sommet de la cascade au delà des quelques cordes de sécurité qui bordent le sentier est rendue encore plus délicate. C'est d'ailleurs ce chemin qui conduit les randonneurs jusqu'à Þórsmörk, et Landmannalaugar plus loin au nord-est.
Un parfum de mystère et d'aventure flotte à Skógafoss, puisque la légende rapporte que le trésor de Drasi serait toujorus caché derrière la cascade!
Un magnifique soleil fait son apparition pour les derniers kilomètres de la journée et nous accompagne jusqu' à l'Hótel Anna, à Moldnúpur, 17 km à l'ouest de Skógafoss. Avec cinq chambres seulement, le gîte est petit, mais mignon et très chaleureux. La décoration des chambres et du hall d'entrée y est pour quelque chose. Le mobilier ancien n'est pas ma tasse de thé en général, mais cela s'accorde tout à fait à un tel lieu et contribue à la chaleur qu'il dégage. Face au doux fumet qui s'échappe de la porte de la cuisine, il est difficile de résister à la tentation d'un bon plat chaud! Je ne me rappelle plus excatement du menu, mais c'est délicieux (il devait s'agit d'agneau ou quelque chose du genre. Seul dommage : les assiettes ne sont pas très remplies, si on compare au Lava Lamb que nous avons goûté près du lac Mývatn). Le repas est servi dans une salle à manger qui nous replonge dans le passé, au début du siècle dernier. Le gîte, familial, expose quelques objets ayant appartenu à Sigríður Anna Jónsdóttir, alias Anna de Moldnúpur. Née en 1901 à Gerðakot, celle à qui le gîte doit son nom s'installa dès son plus jeune âge à Moldnúpur avec ses parents . Au cours de sa vie, elle fût successivement ouvrière, filandière, voyageuse et vachère. Elle commença ensuite à écrire en tant que journaliste dans des journaux locaux en 1942, puis elle décida de consacrer sa vie au voyage à partir de 1947, en visitant l'Angleterre, l'Italie, Paris et les Etats-Unis. C'est sa jeunesse à la campagne et ces voyages à l'étranger qui ont constitué la matière première des différents écrits autobiographiques qu'elle a publiés tout au long de sa vie. Les propriétaires du gîte ne sont pas peu fiers de faire connaître à leurs hôtes cet écrivain curieuse de découvrir le monde et de nouvelles cultures, puisque de nos jours, c'est toujours la famille qui accueille les visiteurs, et qui s'occupe également des animaux de la ferme.
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